Comprendre l’état métabolique qui change notre rapport à l’énergie
Il y a encore quelques années, le mot “cétose” évoquait surtout des images d’hôpitaux, de diabète mal contrôlé et d’urgence métabolique. Aujourd’hui, il représente l’un des concepts clés du renouveau nutritionnel. La cétose nutritionnelle, loin d’être un état pathologique, est un mode énergétique naturel, profondément ancré dans l’histoire de l’humanité, et qui revient sur le devant de la scène grâce au régime cétogène.
Mais qu’est-ce que la cétose exactement ? Pourquoi l’organisme produit-il des cétones ? Et surtout, qu’est-ce que cela change pour notre santé, notre cerveau et notre métabolisme ?
Pour répondre à ces questions, il faut plonger dans la biologie humaine, revisitée sous un jour nouveau grâce au travail monumental présenté dans l’ouvrage scientifique Ketogenic: The Science of Therapeutic Carbohydrate Restriction in Human Health (Elsevier, 2024) Car la cétose n’est pas seulement un état possible : c’est un état prévu, anticipé, maîtrisé par l’évolution humaine depuis des centaines de milliers d’années.
La cétose nutritionnelle : un fonctionnement prévu par l’évolution
Contrairement à ce que suggère le modèle alimentaire moderne, l’être humain n’a pas évolué dans un univers d’abondance glucidique. Les céréales sont récentes à l’échelle de l’humanité, les produits sucrés encore plus. Pendant la quasi-totalité de notre histoire, les apports glucidiques étaient faibles, irréguliers, dépendants des saisons et du climat. Le corps ne pouvait donc pas compter sur le glucose comme source d’énergie permanente.
C’est là qu’entre en scène la cétose : un état métabolique alternatif dans lequel l’organisme délaisse le glucose au profit d’un carburant plus stable, plus long à brûler, et étonnamment efficace : les cétones.
En raison de notre morphologie digestive — côlon court, intestin grêle long, faible capacité de fermentation — l’humain est métaboliquement orienté vers une utilisation dominante des graisses, beaucoup plus que nos cousins primates . Notre biologie n’a donc rien de « glucose-dépendant » : elle est d’abord lipido-adaptée.
Quand les glucides se font rares, l’organisme revient à son mode de fonctionnement ancestral. Il convertit les graisses — alimentaires ou corporelles — en cétones, une énergie d’une finesse remarquable pour le cerveau comme pour les muscles.
La cétose n’est pas une anomalie : c’est un programme métabolique de secours… qui fonctionne mieux que le premier dans de nombreux contextes modernes.
Comment le corps produit-il des cétones ?
Entrer en cétose, c’est passer d’un métabolisme centré sur le glucose (glycolyse) à un métabolisme centré sur les graisses (lipolyse + cétogenèse).
Le processus est simple :
- La réduction des glucides entraîne une baisse de l’insuline.
- L’insuline basse permet aux graisses stockées d’être libérées.
- Le foie transforme ces graisses en trois types de cétones :
- bêta-hydroxybutyrate (BHB),
- acétoacétate (AcAc),
- acétone (résidu volatil).
- bêta-hydroxybutyrate (BHB),
- Ces cétones deviennent le principal carburant du cerveau et des muscles.
Ce mécanisme n’est ni extrême ni dangereux : il fait partie intégrante de notre physiologie. Les auteurs de Ketogenic résument ainsi les choses :
« La cétose nutritionnelle est un état métabolique propre, stable et efficace, comparable aux phases physiologiques du jeûne, mais obtenu grâce à l’alimentation. »
Le corps entre naturellement en cétose après une nuit de sommeil, après un effort prolongé ou lors d’un jeûne intermittent. Le régime cétogène ne fait qu’accentuer et stabiliser cet état naturel.
Cétose nutritionnelle vs acidocétose : enfin une distinction claire
La confusion entre cétose nutritionnelle et acidocétose diabétique est l’un des plus grands malentendus de la nutrition moderne. Pourtant, les deux états n’ont rien en commun :
Dans la cétose nutritionnelle :
– l’insuline est faible mais présente ;
– les cétones augmentent modérément (0,5 à 3 mmol/L) ;
– le pH sanguin reste normal ;
– le corps contrôle le processus.
Dans l’acidocétose diabétique (T1D non traité) :
– l’insuline est absente ;
– les cétones explosent (>10 mmol/L) ;
– le pH devient acide ;
– c’est une urgence médicale.
Cette distinction est fondamentale. La cétose nutritionnelle n’a rien de pathologique : c’est une réponse physiologique régulée, prévue et documentée depuis des décennies.
Pourquoi le cerveau adore les cétones
Pendant longtemps, on a enseigné que le cerveau avait besoin de glucose. C’est vrai… mais ce n’est pas toute l’histoire. Le cerveau a besoin d’énergie rapidement disponible, et il se trouve que les cétones remplissent ce rôle à merveille.
Les recherches montrent que les cétones :
– fournissent plus d’ATP par molécule que le glucose ;
– réduisent la production de radicaux libres ;
– améliorent l’efficacité mitochondriale ;
– nourrissent les neurones même en cas de résistance à l’insuline ;
– stabilisent l’activité neuronale, ce qui explique la réduction des crises d’épilepsie en diète cétogène .
Certaines études suggèrent que dans un contexte de déclin cognitif, le cerveau est moins capable d’utiliser le glucose, mais continue d’utiliser les cétones efficacement. On comprend alors pourquoi la cétose est étudiée dans les troubles neurodégénératifs, les migraines, ou les lésions cérébrales traumatiques.
Avec les cétones, le cerveau dispose d’un carburant propre, stable et hautement performant.
Cétose nutritionnelle et insulinorésistance : une réponse à la maladie métabolique
En régime Keto, en réduisant les glucides, la cétose entraîne une chute de l’insuline. Or, dans la plupart des maladies chroniques (syndrome métabolique, stéatose hépatique, diabète de type 2), l’insuline est le nœud du problème. L’insulinorésistance est « un dénominateur commun » à ces pathologies modernes .
Lorsque l’insuline baisse :
– le foie se dégraisse,
– la glycémie se stabilise,
– la faim diminue,
– la perte de poids devient plus facile,
– les marqueurs inflammatoires chutent.
Le mécanisme est simple, mais les effets sont profonds. C’est ce qui explique pourquoi tant de patients diabétiques parviennent à réduire ou à arrêter leurs traitements sous supervision médicale lorsqu’ils adoptent une alimentation cétogène
La cétose est-elle difficile à atteindre ?
La plupart du temps, non. En général, trois à sept jours suffisent pour entrer en cétose nutritionnelle, si l’apport en glucides est suffisamment limité.
Les étapes typiques :
– diminution progressive du taux de glycogène,
– baisse de l’insuline,
– augmentation de la lipolyse,
– montée des cétones dans le sang.
Certaines personnes ressentent une “keto flu” passagère — fatigue, maux de tête — due principalement à un déficit en électrolytes (sodium, magnésium, potassium). Ce n’est pas un effet secondaire des graisses, mais une réaction normale à la baisse de l’insuline.
Ce phénomène est bien documenté : les reins, sous l’effet d’une insuline basse, excrètent davantage de sodium, entraînant une perte d’eau. Une hydratation adaptée suffit généralement à lever ces symptômes.
Que ressent-on en état de cétose ?
La plupart des personnes décrivent :
– une énergie plus stable au long de la journée ;
– une réduction spectaculaire de la faim ;
– une clarté mentale accrue ;
– une diminution des fringales sucrées ;
– une amélioration du sommeil et de l’humeur.
Ces observations sont cohérentes avec les effets métaboliques documentés : glycémie stable, insuline basse, carburant cérébral abondant et réduction des fluctuations hormonales liées à la consommation de sucres rapides.
Pourquoi le régime keto revient-elle sur le devant de la scène ?
Parce que les maladies métaboliques explosent. Parce que le modèle “low-fat” n’a jamais tenu ses promesses. Parce que les recommandations nutritionnelles modernes ont éloigné les humains d’un mode de vie métabolique auquel ils sont pourtant adaptés depuis des millénaires.
Et parce qu’aujourd’hui, la science — des chapitres de Ketogenic à des centaines d’essais cliniques — converge vers une réalité simple :
la cétose nutritionnelle est un état métabolique sûr, efficace, thérapeutique et profondément physiologique.
Le régime Keto est un retour au métabolisme humain authentique
Comprendre la cétose nutritionnelle, c’est redécouvrir une fonction centrale du corps humain, longtemps oubliée dans un monde saturé de glucides. C’est reconnaître que nos cellules savent parfaitement fonctionner avec un carburant autre que le glucose. C’est aussi comprendre pourquoi le régime cétogène est si prometteur pour la santé moderne.
Le prochain article de la série explorera l’anatomie complète du régime cétogène, ses variations, ses pièges et ses fondations biochimiques. Mais désormais, une chose est claire : la cétose n’est ni une mode, ni une anomalie. C’est un retour à l’intelligence métabolique humaine.
